Ancien correspondant du Daily Telegraph à Bruxelles (1989-1994), le désormais premier ministre aux commandes du Brexit a provoqué l’hilarité générale lors de la conférence de presse de lancement de sa campagne pour la conquête du 10 Downing Street en citant Jacques Delors, président de la Commission européenne de 1985 à 1995.
Donnant la parole au rédacteur en chef politique de Financial Times, George Parker, lui-même ancien chef du bureau du journal à Bruxelles, Boris Johnson a glissé, ironique: «Financial Times, « Mon journal préféré », Jacques Delors used to say.»
Sidérés, les journalistes présents ont hésité un instant avant d’éclater de rire. Mais pourquoi est-ce si drôle, pour Boris Johnson et des journalistes britanniques, que le Français Jacques Delors, icône des proeuropéens de sa génération, ait adoré Financial Times ? La réponse est que Financial Times, en ligne avec les gouvernements britanniques qui se sont succédé depuis l’entrée du Royaume-Uni dans l’UE (CEE), en 1973, a défendu les positions les plus antieuropéennes et hostiles à l’euro qui s’exprimaient à Londres.
En outre, Financial Times a exercé un contrôle aussi serré que possible sur la presse de certains pays membres de l’UE: à l’époque où Jacques Delors était président de la Commission, le quotidien économique français de référence, Les Echos, était ainsi détenu à 100% par Financial Times. Une séquence qui a duré deux décennies (1988-2007), et qui a laissé des traces.
Boris Johnson a donc d’excellentes raisons de se moquer de Jacques Delors et de tous ceux, en France et en Europe, qui affichent des convictions proeuropéennes et se régalent d’une presse hégémonique et globalisée, défendant les intérêts des ennemis de l’UE.